Ɖaɖa
Par Elolo Djiakpo.
2024/07/09
Je n’attends d’aucune terre
ni surélevée ni plus basse
ni la bienveillance de ma mère
ni la chaleur de mon père aimant
Je n’attends personne
ni du nord ni de l’est
ni sang noire ni fleur de lys
ni terre rouge ou blanche
pour me chambrer
me câliner
Volontiers
que le froid me morde milles fois Badou
sous les Monts Fétiches
qu’il me laisse de la neige dans la chair
du verglas jusqu’à mon chevet
Je grelotte beaucoup plus
du mal du pays
de la froideur des Hommes
que du vilain temps
Il fait le temps qu’il faut faire au-dehors
et au-dedans, les Hommes choisissent le temps qu’il fait
Je ne suis pour rien
balancement du bus
prix du gaz
de la tasse de chocolat chaud
amertume du café
si ce n’est que le père
qui se tue
de milles cancers aux pesticides
dans les cacaoyiers
sans en avoir sur la langue le goût d’une barre
ni dans la poche, le prix de 50 grammes
pour le kilo de fèves
Que creusent-ils dans mon regard ?
Puits de pétrole et mines de coltan
entre les chants des balles des milices
le silence et la paix ne durent
que le temps du défilé des camions et wagons
qui d’uranium et de diamants de sang
seuls Sans-papiers autorisés,
entrent sans histoires au Pays des Lumières
Que creusent-ils dans mon regard
moi, poète
dealer de vers, passeur de rêves
Non, je ne viens pas tondre vos gazons
vider vos poubelles
plonge et livraison, soleil et pluie
peu importe les sillons de douleur
tombe ou berceau
peur ou confiance
Non, nous ne sommes pas bon qu’à ça !
Vous avez l’air de chercher où éteindre vos cigarettes
et moi, je ne vous offrirez ma tronche.
Je n’attends rien
ni papiers
ni carte bleue
Je ne troquerai ni ma douceur
ni ma légèreté
contre la lourdeur de Paris
Je suis passant
expat’
poète inédit et sans succès
indécis comme le doute
Je m’en irai
tout compte fait
Pierre-Lyre à l’épaule pour Soto
Opon Ifa sous le bras
Et aux poignets, ma-wu-alo
après le vide de vos réserves
Quel temps fera-t-il
quand tu passeras par mon coeur ?
Je danse sur ton nom
dans l’attente de tes bras
quand reviendras-tu ?
Il fait laid sur Paris d’un air nazillon
il souffle le parfum des années 30
40 sous les aisselles
de feu et de sang
de chants de bras tendus
tracts et tags
l’odeur du métal et les slogans identitaires
traque de nouveaux rats
lettres anonymes et menaces
Je te reviens, amesron
surveille les airs
Ils s’apprêtent enragés
à lâcher, chiens et vieux démons
Ô pays des autres !
Elolo Djiakpo
Maurepas, 13 février 2024