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j’ai de la misère
à écrire à l’intérieur
mes mots étouffent
ils me supplient
de prendre l’air
*
Au coin du petit dépanneur, les pigeons s’en vont et reviennent.
La pluie scintille en ondulations sur les flaques d’eau.
Du bleu frôle mon regard.
Ici vécu Jean-Herménégilde Larochelle, manufacturier dans la chaussure et la ganterie.
Je regarde mes vielles New Balancetâchés de boue et cernés de sel.
Je crois que l’expertise s’est perdue.
*
dans un coin de la cour d’école
un tas de neige sale
s’accroche à l’asphalte
résiste au soleil et à la pluie
résiste parce qu’on l’a empilé là
j’ai une pensée pour ceux qui attendent
ces gens trop vieux
que la mort a par mégarde
laissé à leur sort
ceux qu’on dépasse sans ralentir
comme on passe devant
un restant de neige sale
en avril
*
En 2020, je travaillais dans une résidence pour aînés et j’ai côtoyé une dame acadienne de 106 ans. Elle me semblait extrêmement sereine, tellement que s’en était presque inquiétant. Elle trouvait le temps long, avait hâte de mourir. Elle était vieille depuis trop longtemps. Son plus jeune fils venait d’avoir 77 ans. Moi, j’étais plus jeune qu’elle l’était au moment où débuta la Seconde Guerre mondiale. Je crois que c’était bien son heure, qu’elle méritait de mourir, de ne plus être un fardeau pour personne, surtout pour elle-même. Je crois qu’il est digne de mourir après avoir si longtemps jouer le jeu et fait semblant que ce jour ne viendrait jamais. La mort, voilà vers quoi on tends.
*
un gros œil bleu me menace de loin
me rappelle que 1984 ne sera jamais vraiment fictif
*
Quand je sors d’une pièce de théâtre, tous les gens que je croise m’apparaisse comme des personnages, des comédiens bien campés dans leur rôle. Je suis éternellement spectateur.
*
je nage dans ma tête
des longueurs incongrues
transbahutant des mots
aux ardeurs automatistes
*
Heureusement que le ciel n’est pas bleu, je ne sais pas comment je me serais pris pour le suivre.
*
Je me sens comme un Français à regarder tous les écureuils que je croise.
*
Il y a deux types de gens qui entrent dans l’autobus, ceux qui ont leur carte en main avant même que l’autobus soit arrivé à la station et ceux qui la cherche, dans leurs poches, leur sac à dos, leur sacoche, jetant un regard et un sourire nerveux pendant qu’ils cherchent et bloquent le passage.
*
assis sur le banc d’en face
elle porte un manteau lilas
un manteau de printemps
des petites bottes noires
garnies de perles argentées
son souffle est court
son regard se promène
entre les passagers
à la fin de sa tournée
elle se tourne
vers
*
Je marche rue François 1er et à 7h35 hier matin, le pape François 1er venait de rendre son dernier
souffle.
*
Quand il pleut, les statues pleurent, des larmes coulent sur leurs joues.
*
carillon en bois mouillé
un chien sur le balcon
petite pancarte rouge
Surveillance par caméra
dois-je en déduire
que le chien se nomme Caméra ?
*
Mon compteur d’écureuils est rendu à 11.
*
je ne sais jamais comment rendre compte du grandiose
même quand je me le prends en pleine face
*
quelques arrêts d’un autobus aléatoire
au milieu d’une foule inattendue
il pleut et les gens ont le sourire aux lèvres
fiers de ne pas être seuls
ils se serrent dans leurs bras
comme après une très longue absence
drapeaux, pancartes et slogans
s’élancent dans les airs
un discours s’entame
et la pluie s’arrête
laisse place aux revendications
les pieds dans l’eau je reste
un long moment figé parmi les miens
nous venons tous du même élan
c’est plus fort que le hasard
je croyais errer
j’arrivais quelque part
Georges Absinthe